L’archet dans l’âme – Journal Cooperation, Suisse, Octobre 2024
Par Eugenio d’Alessio
Violoniste au parcours international, Laurence Kayaleh évoque l’amour de son art, à quelques jours d’un concert à Montreux.
«J’ai toujours vécu la musique comme un appel et une évidence.» Concertiste, soliste et chambriste au riche parcours international – elle a joué dans les salles les plus prestigieuses d’Europe, d’Asie et du continent américain -, la violoniste helvético-canadienne Laurence Kayaleh ne s’est guère égarée dans le labyrinthe des tâtonnements pour trouver sa voie : elle serait musicienne. «Ma mère, la pianiste néerlandaise Ingrid Hoogendorp, a donné des concerts jusqu’à la dernière minute alors qu’elle était enceinte de moi. Et je suis certaine d’avoir partagé les émotions de la musique avec elle sur scène.»
Passion volcanique
Chaleureuse, de nature enjouée, la voix chantante et reconnaissable de loin à sa silhouette longiligne, la Nyonnaise de naissance décrypte son parcours avec une passion volcanique. Elle raconte qu’au départ, elle rêvait de jouer du piano, comme sa maman. «Il a toutefois suffi que je reçoive, en guise de cadeau d’anniversaire, une guitare en plastique empoignée comme un violon pour que mes parents comprennent que cet instrument constituerait le cœur de ma vocation.»
La petite Laurence apprendra tout de son père, Habib Kayaleh, éminent violoniste et fondateur, au début des années 1970 à Crans (VD), du renommé Centre de musique Kayaleh comprenant l’École supérieure de musique et l’Académie de violon. «Il a assuré toute ma formation, tout en m’enseignant la discipline qui sied à la pratique de la musique. Quand il me donnait des cours, tout rapport filial disparaissait. J’étais l’élève et lui le professeur. Je dois aussi beaucoup à ma mère, avec qui j’ai souvent joué en récital.»
Des concerts dès 10 ans
Laurence Kayaleh commence à donner des concerts très jeune, vers l’âge de 10 ans, en Suisse, en France et en Italie notamment. Elle rappelle avec une pointe d’humour son passage sur le plateau du journaliste et écrivain Jacques Chancel, en mars 1998: «C’était à l’opéra Bastille de Paris, un chantier à l’époque. Je m’y suis produite vers 23 heures et il y faisait un froid de canard! Mes mains étaient bleues. Par bonheur, une fois plongée dans la musique, j’ai pu faire l’impasse sur ces désagréments.»
Le violon, pour elle, c’est l’instrument qui se rapproche le plus de la voix humaine, avec son côté chantant, lyrique et parfois théâtral. En tout cas, l’artiste de 49 ans, qui vit à Montréal depuis 25 ans, entretient une relation intense avec son instrument actuel, fabriqué à Venise en 1742 par l’Italien Pietro Guarneri. «Quand je l’ai vu pour la première fois, sa beauté m’a coupé le souffle. Je savais dès le début que c’était l’amour de ma vie. Ce violon ne me quitte plus depuis que je l’ai acquis en 1993 grâce à une fondation.» Comme moult artistes, Laurence Kayaleh sillonne la planète, tout en menant une intense activité d’enregistrements discographiques. En Suisse, elle a notamment joué à la Tonhalle de Zurich et au Victoria Hall de Genève. Elle garde néanmoins un souvenir ému de ses concerts au Japon et dans les salles Bolchoï et Tchaikovsky de Moscou, «ou l’on sentait l’âme des grands musiciens, à l’image de David Oïstrakh (1908-1974)», confie celle qui préside le Centre de musique Kayaleh et qui enseigne dans des classes de maître au sein d’universités au Canada, au Japon et en Amérique latine.
Célibataire, Laurence Kayaleh adore, outre la musique, le fitness, les balades en montagne et l’écriture, tout en pratiquant la méditation.
Mini-Questionnaire
Votre bruit préféré?
La pluie tombant sur le toit.
Votre livre préféré?
Il y en a plusieurs, mais j’aime beaucoup «Le pouvoir du moment présent» d’Eckhart Tolle.
Votre rêve le plus fou?
Faire une retraite d’introspection, de sagesse spirituelle et de méditation dans un monastère bouddhiste.
La réalisation qui vous rend particulièrement fière?
Mes enregistrements discographiques.
Un beau souvenir?
Lorsque j’ai eu en main, pour la première fois, mon violon actuel, un Guarneri de 1742.
Qu’est-ce qui vous irrite le plus?
L’hypocrisie et l’injustice.
Votre plus grande qualite?
Lorsque je crois profondément en quelque chose, je vais au bout de mes défis, de mes passions et de mes rêves.
Votre plus grand défaut?
Je pense trop.
Votre remède quand ça va mal?
Écrire, faire du sport, retrouver la famille et me balader en pleine nature.
Laurence Kayaleh se produit ce vendredi 4 octobre à 19h30 au Fairmont Le Montreux Palace, à l’occasion d’un concert exclusif avec la pianiste canadienne Bernadene Blaha.